mercredi 3 octobre 2007

Aujourd`hui je vous presente: " Destins brises" article publie sur http://hopital.chats.perpignant.over-blog.com:


" Aux temps antiques, les hommes croyaient que sous la houlette de leur père le Destin et de leur mère la Connaissance, trois femmes tissaient et coupaient les fils de chaque vie. Les Grecs les appelaient les Parques et les anciens Germains les Nornes. Puis, les hommes ont cessé de croire aux Nornes, et se sont mis à jouer aux apprentis-sorcier en se prenant pour des Dieux, tentant de percer les secrets de toute vie. Ils sont allés sur la Lune, ont appris à se déplacer à la vitesse du son. Ils ont cru dompter l'énergie nucléaire et se sont essayés au clonage, entre deux massacres, et tout en détruisant l'équilibre écologique de la planète qu'ils avaient reçu en héritage, et qu'ils sont désormais incapables de léguer à leur hypothétique postérité. Ils ont aussi repris le rôle jadis dévolu aux Parques, et exercent sur le règne animal, d'une manière ou d'une autre, leur droit de vie ou de mort.

En tant que défenseurs des animaux et de leur dignité, nous exerçons aussi ce droit, et nous nous rendons maîtres de certains destins. A chaque kilo de dioxyde de carbone que nos consommations individuelles nous conduisent à rejeter dans l'atmosphère, nous portons un coup fatal aux ours polaires et à la faune arctique dans un processus d'auto-suicide de notre espèce que nous cherchons à nous masquer en faisant mine de ne pas comprendre qu'après les ours viendra notre tour : "Après moi le déluge!".
Certes, ce droit de vie ou de mort, nous ne l'exerçons pas avec le même cynisme que le chercheur fou pour qui la Science justifie les inepties les plus cruelles, ou que les adeptes de la nouvelle religion de l'argent-roi, qui ont ravalé l'animal au rang de bien meuble, pour en finir avec ce qui pouvait leur rester de conscience et de moralité. Nous ne l'exerçons pas avec la même folie sadique et bestiale que les galgueros du XXIe siècle qui proclament haut et fort les droits de la tradition, sans pouvoir faire oublier que leur nom-même est devenu l'expression de l'ultime stade de la déchéance de l'Homme.

Pourtant, chaque fois que nous choisissons de ne pas sauver l'un de ces petits malheureux pour lequel un topic ouvert sur un forum nous réclame d'ouvrir nos portes, nous n'exerçons pas ce droit de vie qui nous est donné. Certes, nous avons nos raisons, et ces raisons nous sont imposées par les limites de nos possibilités et par les contraintes qui s'exercent sur nous, tant du point de vue matériel qu'affectif. Mais sommes-nous toujours sûrs, d'être bien parvenus à ces limites, d'ailleurs variables selon chaque individu ?

Pour la première fois depuis le début de ce sauvetage, il y a deux mois et demi, j'ai pris conscience que pour les chats de l'hôpital, j'ai revêtu le vieil habit des Nornes, et que comme elles, j'exerce mon droit sur eux : ceux qui restent, ceux qui partent vers un avenir que l'on espère toujours meilleur, ceux qu'on laisse sur le bord de la route. Mais pas plus que les fileuses ne pouvaient couper le fil sans s'affranchir du Destin qui leur offrait matière à oeuvrer, notre action et nos décisions sont souvent imposées par ce même destin, qui est en train de jouer un tour bien cruel au gentil Faramir .

Ce destin n'a pas voulu lui offrir le beau poil angora de son frère Boromir. Il lui a donné seulement un trop plein de gentillesse. Triste don au regard de trop d' humains, plus aptes à se laisser aller au mirage des beautés physiques qu'aux réalités des coeurs à prendre. Faramir n'a jamais attiré un regard. Fallait-il pour autant que ce destin continue à s'acharner sur lui en le conduisant dans l'enceinte de cet hôpital ? Fallait-il enfin qu'il détruise sa dernière chance, celle d'un trappage plus tardif, à un moment où il y aurait eu pour lui, quelque part, disponible, une petite place, pour lentement lui apprendre que les humains savent aussi parfois rendre les animaux heureux ? Cette chance, Faramir ne l'a pas eu. Il a été trappé, mais sans qu'une place soit disponible pour lui offrir un avenir digne de lui. Faramir sera donc relâché dans le jardin central et survivra peut-être encore un an. Dans un an, les travaux de démolition réduiront à néant son territoire...Le fil du destin s'est brisé pour Faramir... "

par Eric

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